Summertime. Ou presque. Il commence à faire lourd, je vais certainement me taper l’orage en rentrant. Je suis au travail mais ça écrit plutôt ici. Les deadlines s’accumulent, je ne comprends pas que le monde continue de tourner. Il pourrait se poser des questions.
À Paris on est plutôt aoûtien·nes que juillettistes (on aime pas trop les monarchies ici), alors la ville n’est pas encore tout à fait vide ni vraiment pétrifiée.
Les gens se sont rassemblés ces derniers temps en AG, pour tracter, lutter et célébrer une défaite moins amère que d’habitude. Il y a encore du monde, que veux-tu Darmanin ça blédardise pas tant que ça. Que veux-tu Darmanin, quand ton bled est ici, qu’on a oublié à force de taire, ça traverse la Marne comme si c’était la Méditerranée, et j’écoute des chansons découvertes dans les compil’ des Inrocks comme si j’étais à une soirée Arabengers. On s’est autocolonisés pour vous plaire, t’es pas fier ?
Je sais qu’il ne parle pas de nous. Ma famille a pas roulé jusqu’en Algérie depuis 76, la voiture immatriculée 94 pas 113. Les oncles et les tantes sont binationaux mais les cousins parlent pas arabe. On est là, on sait pas le dire autrement. Ceux qui ont le bénéfice de l’altérité ne seront jamais à rejeter contrairement à vous. Eux c’est nous et vous n’êtes rien. 10 millions de rien.
Je sais bien que tu l’aimes
Mazouni – Écoute-moi camarade, 1974
Tu lui as donné ton âme
Ne compte plus sur ses promesses
Elle t’aimera pas
Même à cent ans
J’ai des nausées.
Il faut attendre. Encore attendre. Sans savoir. Se fier aux symptômes : les violences racistes, les délires et dénis de démocratie, une alliance et un antifascisme vacillants. Dans quelques mois ce sera quoi ? Et qu’est-ce qui nous occupera ? Ça va nous demander de blanchir nos nuits. Trop crevée pour manifester, trop frileuse pour la cagoule, pas assez bercée d’illusions, j’ai peur qu’on finisse submergées. Il va falloir donner de l’énergie pour deux. Prendre soin de la lutte c’est un travail d’équipe.
La fête de la musique est passée sans que ça empêche de ressortir les tubes. Ça Rachid Taha ça Warda ça Cheb Mami, playlist de vote playlist de grève on réveille le punk on bellaciao on va tous crever. Je repense aux musiques qu’on écoutait, celles qu’on écoutait pas.
J’me souviens très bien d’un disque qu’on m’avait gravé quand j’étais enfant, c’était peut-être après un été en club vacances. Y’avait « Tomber la chemise » de Zebda, on était pas fait du béton mais c’était pas grave. C’est seulement plus tard que j’ai eu « Le bruit et l’odeur », peut-être qu’on en avait eu assez. Mon seul mot d’arabe c’était oualalaradime, biberon black blanc beur.
Mon père nous a laissé un vocal dimanche à 20h, il avait la gorge nouée.
Tous ces efforts et on me demandera toujours d’où ça vient Taounza. Et puis là j’vois un facho toulonnais qui s’appelle presque comme moi, Jaminet, qui menace nos familles. Quel droit a-t-il de voir la mer lui ?