I can’t seem to breathe with a rusted metal heart

L’attente laisse place à l’attente. Il y a comme un glissement indicible d’un état à un autre. Plasmique. Lundi soir j’ai cru pouvoir m’effondrer d’épuisement, et puis le corps s’est raidi à nouveau.

Qu’est-ce que je racontais la dernière fois ? Ah oui, on en était restées à la ponction du mercredi.

5 ovocytes ponctionnés, 4 ovocytes à décongeler. On nous rappelle vendredi (J2) pour nous dire que 7 embryons ont pu se former, maintenant il faut voir s’ils se développent. Il peut se passer tellement de choses en si peu de temps pour un amas de quelques cellules. Les transferts se font à J3 (samedi) s’il y a peu d’embryons et que le développement n’est pas idéal, mais de préférence à J5. Pas d’appel samedi, on ira donc lundi matin. We hope.

Samedi (J3), c’est la manifestation pour le Front Populaire et contre l’extrême droite, on se croirait un premier mai. Oriane ne m’accompagne pas, elle a un cours à préparer et puis on a la pride radicale demain. Samedi soir je relance Life is Strange, 6ans après ma dernière partie. J’ai besoin de pleurer. Dimanche (J4) matin, je continue de jouer. Je m’assieds au pied d’un arbre de l’école, je m’allonge dans la chambre d’internat de Max, je laisse le temps passer. Dans le jeu. Je trouve des respirations par proxy.

À la pride, on se fait la réflexion avec Oriane que la PMA n’est pas un sujet visible. Il y a sans doute d’autres priorités politiques, la lutte contre l’extrême droite, pour le peuple palestinien. Je suis heureuse de me dire qu’on existe, je veux croire que si on fait famille ce sera toujours in defiance. Je n’ose pas envisager ce que pourrait devenir notre vie au 8 juillet. Tiens, si, regarde il y a des stickers pour encourager aux dons de sperme. Il y a des banques qu’il ne faudra pas brûler. J’aimerais m’engager plus mais je le sens, je suis encore plus proche que la société de l’effondrement. On rentre, je scrolle avec plus d’attention et d’anxiété le live des législatives du Monde et la boucle Telegram #jevotele30juin que Bluesky ou les stories insta de mes amiEs.

Lundi. J5. Contrairement aux autres fois où il faut se présenter à l’aube à l’hôpital, le rendez-vous est à 10h. J’ai le temps de prévenir ma cheffe que je serai absente ce matin, de manger de la brioche. En tant que compagne, j’ai droit à 3 absences dans le cadre d’un protocole d’AMP. Je suis en service public à 13h, je trouve ça bien futile de s’inquiéter d’être à l’heure au travail dans une telle situation. Mais il y a du monde, la secrétaire est lente, je regarde l’horloge sur mon portable il a déjà presque plus de batteries, les octonautes passent sur la tv en salle d’attente alors qu’il n’y a pas d’enfant. J’ai peur que toute frustration de ma part ruine nos chances. Finalement le biologiste nous convoque.

Les miraculeux 5 ovocytes ponctionnés ont bien performé, 2 embryons ont survécu jusqu’à ce jour. Un embryon d’ovocyte congelé est quant à lui en morula… Ce mot me fait toujours rire, il me rappelle qu’après la mort il y a la mortadelle, la morula arrive plus tard sorte de réincarnation après un retour à l’océan source de vie (la morue). La morula c’est le stade de maturité qu’aurait déjà dû dépasser l’embryon à J5, là on attend un blastocyste. Il (le biologiste) nous appellera si il (l’embryon) se développe d’ici mardi et qu’il (toujours l’embryon) peut être congelé, il (le cosmos ?) y a vraiment peu de chances.
[EDIT À 14H : IL EST CONGELÉ]

Deux embryons, c’est pas mal franchement. Allez on est parties. Les deux dans le cathéter. La petite goutte apparaît à l’écran de l’échographie.We’re all in..
Je passe les détails du transfert.

Il y a quelques heures d’excitation, de fatigue. Et puis l’attente est déjà intolérable. L’idée que ça ne marche pas, à nouveau, creuse son tunnel dans ma poitrine comme un ver. Si ça ne marche pas on recommence, une dernière fois. L’attente me ronge, si seulement c’était à ce parasite que je pouvais donner vie.

Forget the horror here
Leave it all down here
It’s future rust and it’s future dust
I’m the fury in your head
I’m the fury in your bed
I’m the ghost in the back of your head

Foals – Spanish Sahara, 2010

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