*Carrie Bradshaw’s voiceover* « In a world where we can access anything instantly, is it a good thing not to have to experience it all? Have women been asked to care too much about too many things? »
On regardait Sex & The City il y a quelques jours avec Oriane et quand Carrie a fait une blague sur Fiona Apple j’ai fait une réflexion comme quoi certaines références ne vieillissaient pas, sauf qu’Oriane ne voyait pas qui c’était, du coup elle a le droit à son propre titre de post.
J’ai souvent l’impression de devoir m’investir dans tout pour plaire à toutes les personnes que j’aime et mieux les comprendre. Je me fais rouler dessus par une mégalopole de l’hyperconsumérisme. En vrai, soyons honnêtes, j’ai jamais réellement passé le pas. J’ai découvert énormément de choses grâce à mes amiEs (is this how life works?), j’ai aussi fait le choix de ne pas commencer ou continuer à suivre des séries, des sports, ni à me renseigner sur des sujets spécialisés. Et puis il y a toutes ces « passions » que je n’ai jamais réussi à embrasser comme les vrais fans (la compétition est intense pour une attention qui ne l’est pas), comment embrasser pleinement ce qui est supposé nous ressembler ou nous révéler si l’on ne veut que porter un miroir pour les autres.
En fin de compte, j’ai une capacité relativement saine à me priver de tout plaisir. Chaque ignorance est une preuve de mon manque d’affection et de mon incapacité à être une bonne interlocutrice pour l’autre, une culpabilité qui me permet de faire un pas vers une liberté par la contrainte. J’ai du mal à croire méritée. C’est qu’elle n’est pas méritée, non. Chaque renoncement est un pas vers la déroute et l’inaction me paralyse comme si choisir de lire un livre était accepter le fascisme. Alors je ne lis pas et je n’agis pas contre le fascisme.
Du coup c’est rare d’avoir des désirs que je considère m’être réellement propres. Et je réalise peut-être ce que c’est de vouloir quelqu’un ou quelque chose pour soi, pour nous.
Du coup c’est encore plus rare que j’agisse dessus. Alors on croise les doigts, très fort. Je l’ai déjà écrit : je suis plutôt pessimiste et anxieuse (it’s me, hi), mais dans notre parcours de Front PMA je suis une force de pensée magique qui a beaucoup de mal à me résoudre à l’échec.
Et merde, je viens de réaliser que j’avais pas pris la casquette PMA que j’avais offerte à Oriane, elle a pas les strass de la CGT mais on a déjà les paillettes alors j’ai décidé qu’elle nous serait porte-bonheur…
Le dernier mois a été extrêmement long et éreintant. Ce n’est pourtant pas moi qui ait dû me piquer chaque soir, débattre avec des droitards, vivre avec des taux d’hormones hors-normes, tracter contre les fachos, subir le mauvais traitement de certains personnels soignants et politiciens, me faire ponctionner… Mais cette fois-ci le cœur a fini par lâcher, enfin il s’agrippe, quelques doigts à la falaise (don’t look down), et c’est pourtant pas moi qui fait de l’escalade. J’ai moi-même été essorée de presque tout espoir.
Presque rien. C’est déjà notre 3e tentative en France. Aucune n’a permis d’avoir d’embryons surnuméraire et il a fallu chaque fois recommencer à zéro, par une stimulation. Ils n’avaient pas non plus utilisé les ovocytes conservés après son don, la première fois parce qu’ils voulaient tenter sans, la seconde parce qu’il n’y avait pas les personnels suffisants (hashtag casse de l’hôpital public). Sauf que cette fois-ci, le total d’ovocytes est bas, trop bas. La dernière fois déjà, Oriane était légitimement frustrée et ne voyait pas l’intérêt de poursuivre une stimulation pour si peu, mais les médecins de la PMA avaient affirmé qu’à partir de 4 ovocytes il y avait de bonnes chances. Là, à l’échographie, il y en avait 2 (cf. les pleurs dans le parc).
Nevertheless, she persisted.
J’ai commencé à écrire ce post dans la matinée, seule au milieu d’autres impatients dans la salle d’attente de l’unité de chirurgie ambulatoire. Oriane était partie au bloc pour être ponctionnée. À présent, nous sommes rentrées, Oriane fait la sieste. Ils lui ont ponctionné 5 ovocytes. Ça doit être parce que j’avais oublié la casquette.
Maintenant, on attend. Ce sursaut n’est pas un apaisement. Dans les derniers jours de cette tentative, les sondages inquiétants, les échographies malheureuses, l’échéance des Européennes, la victoire du RN, la dissolution, ponction front populaire coalition déversement de haine la peur est dans notre camp et nous avons raison d’avoir peur et mon imaginaire est flingué de ce que c’est de pouvoir être mère et lesbienne et trans et de pouvoir vivre avec vous.
Maintenant on attend et je ne peux rien faire que trembler à l’annonce de l’échec de la fécondation, de l’échec du développement de l’embryon, du passage de l’extrême droite, de l’échec de l’implantation, de notre déshumanisation. Pour certaines choses qu’on désire plus que tout on ne peut qu’attendre, pour d’autres on peut juste foutre le feu.
They want to socialize you
Sleater Kinney – Call The Doctor, 1996
They want to purify you
They want to dignify and analyze and terrorize you
This is love and you can’t make it (Look out, they want what you know)
In a formula or shake me (Steal a kid, break a heart, steal the show)
I’m your monster, I’m not like you (Peel back the skin, see what’s there)
All your life is written for you (I’ll never show you what’s in here)