Dans le dernier film d’Almodóvar, le personnage de Tilda Swinton se met du fond de teint sur les lèvres et leur pourtour avant d’apposer le rouge vibrant et se dessiner un visage parfait dans la mort.
Auto-thanatopraxie.
En décembre avec Oriane, nous avions vu Si Vénus avait su au théâtre de Belleville, une belle pièce hommage aux socio-esthéticiennes qui font ce travail et tant d’autres, dans l’avant et l’après, d’apprêt. Retrouver sens de son corps, plaisir de se voir soi et transformée, touchée et écoutée. Je pense que j’aimerais ça.
J’ai voulu reproduire le geste hier soir. Comme si j’étais au bord de la mort ? Il y avait le concert des Libertines hier soir. Depuis quelques jours, l’eczéma s’est fait discret et je me revois sous la peau rouge et tuméfiée ; l’idée d’appliquer une autre teinte redevient attirante. D’être moi comme j’aimerais mieux qu’on me voie.
Je suis sortie de la douche, j’avais pris une douche chaude. J’avais peur que l’eau chaude ne ravive l’eczéma mais je l’ai passée sur mon visage longtemps malgré tout. Mes cheveux n’avaient pas été lavés depuis deux semaines, les nœuds sont venus down the drain /so what does it do/. Je n’avais plus d’après-shampoing j’en rachèterai. J’ai mis un peu du gel soufflé du pot que m’a offert Camille et qui ne se terminera jamais. Je suis en retard. Sèche-cheveux, les boucles disparaissent alors je me les attache. Ils auront meilleure mine demain, tant pis.
Sans fond de teint, j’applique un primer, ça pique sur mes lèvres gercées devenues blanches. Le rouge est plus clair que prévu presque rosé, j’y dépose du violet, parfois mis seul on me demande si j’ai froid mais je l’aime ce violet. Je dessine mes lèvres, plus épaisses que d’habitude. J’ai peur des bouts de peau qui ne se tiennent pas sages. Un coup d’eyeliner et de mascara, un peu de highlighter pour les pommettes. Je me suis sentie belle. Oriane m’a trouvée belle. Je me suis dit que quand même j’avais pas besoin de trop en faire. J’ai mis un pull à col roulé jaune, ma robe à carreaux celle du mariage d’Adrien et Frédéric, very 60’s.
J’avais hâte. On est déjà allées voir les Libertines avec Camille l’an dernier, ça devient rituel.
Les places étaient assises en mezzannine, j’avais les jambes qui tapaient tout du long mais j’étais bien contente d’être assise. J’ai pleuré sur deux chansons, on s’est levées pour les dernières. On a marché, on a pas mangé. Il faisait froid mais j’avais mes mitaines.
Plus tard on ira voir Peter Doherty. L’enfant sera né, j’espère que ça ira. J’espère qu’il jouera Broken Love Song (Peter pas le beb’s).