J’ai chaud. Je suis assise sur un banc dans un petit square à côté de Place des Fêtes. Il est midi. Je dois aller chercher mon passeport à l’antenne du commissariat, c’est aujourd’hui ou jamais. Elle est fermée ce matin, c’est con.
Ça fait 10min que j’essaie de faire fonctionner ma saisie vocale, j’en peux plus de mes pouces je veux juste m’effondrer dans une note dans un vocal quelque part. Mais mon portable refuse, il est au bout de sa vie, d’ici quelques minutes il va certainement surchauffer.
Évidemment je n’ai pas pris mon journal intime. C’est comme pour les livres, j’avais l’habitude de me le traîner partout mais à force de ne tourner qu’une page par mois il reste au pied du lit. Ce que je dis doit donc être maîtrisé. Je veux m’effondrer, sous vos yeux, mais avec le style et sans trop m’épancher.
Affaire de style aussi peut-être, je n’enlève pas ma veste en jean. Je commence à étouffer, comme si cette matinée affreuse n’était pas suffisante. Sentir un poids réel sur mes épaules, le réconfort du modique châtiment que je m’impose. Pourquoi est-ce que je crois à quoi que ce soit ?
J’écris pour passer le temps. Je me dis qu’il y a bien des gens que je connais non loin. Je leur en veux de ne pas être là alors qu’ils ne savent rien.
Ce matin, les examens pour la PMA m’ont sans doute fait désespérer pour la première fois.
Je ne suis plus seule dans le parc d’enfants. Un homme et une femme sont entrés et se sont assis sur un banc, loin de moi mais central. Ils sont assis l’un face à l’autre, en tailleur sur le banc. Il y a quelque chose de cassé entre eux, l’homme doit des explications, il s’exprime avec des grands gestes, elle se tient la tête, puis croise les bras. Peut-être qu’ils parlent de quelqu’un d’autre ? Son paquet de clopes est bientôt terminé, elle en a marre d’écouter ses justifications. Ça y est, je suis spectatrice, elle me lance un regard, hausse le ton, « ça fait huit mois qu’on est ensemble, et trois ans que tu la vois ».
Déjà hier dans le train un jeune homme explicait à son ami que son ex était folle. Il la harcelait de textos auxquels elles ne répondait que « arrête de mentir ». Sans doute qu’ils trouveront l’amour ailleurs, et qu’ils auront des enfants. Ils se poseront peut-être même pas la question.
Je pleure sous mes lunettes de soleil. Il commence vraiment à faire chaud, j’ai les mollets qui se collent sous ma robe à fleurs.
Je veux être là, me poser des questions avec toi. Et en vouloir au monde entier.
Je l’ai senti hier
Yelle – « Un jour viendra », 2014
Je n’étais pas normale
J’ai senti le désert
Sortir de mon âme