J’ai l’impression que chaque action m’amène plus proche du précipice. Dans l’arbre de décisions et l’infinité de choix que notre libre arbitre nous donne, je ne bascule jamais dans l’immédiat irréparable mais on dirait que je trouve toujours le coup à jouer pour limiter un peu plus mes prochains pas.
Après tout, c’est uniquement mise dos au mur que j’arrive à faire quoi que ce soit, en tout cas c’est comme ça que je raisonne souvent, histoire de justifier l’indiscipline de mes choix. Trop de confiance dans des capacités, trop d’insécurité aussi : tout va bien se passer parce que ça ne se passera sans doute pas si bien que ça, ni comme on l’avait prévu, mais que ce qui arrivera ne peut pas être pire que tout ce qui ne pouvait pas arriver mais que j’ai imaginé. C’est comme si mon cerveau calculait à la Jimmy Neutron tous les scénarios *ding*. J’ai l’intuition des moins mauvais choix (pas du bon) et je m’en empare, je me l’approprie pour me défaire du stigmate. Stigmate que j’attache moi-même à la chose, mais que j’arrive dorénavant de mieux en mieux à évacuer dans un second temps (réfléchis réfléchis s’il n’y a pas le stigmate d’abord, il n’y a pas le remord de réorienter ses décisions ensuite !).
Car j’avance vers le précipice mais que c’est volontaire et que je prétends maitriser ma vitesse sur le fil.
Je dis ça à propos du travail, évidemment. Qui est en train d’écrire cet article au lieu de taffer ? Qui accepte que ce soit une mauvaise décision mais nécessaire pour avancer dans cette journée et vers son irrémédiable implosion professionnelle ?
Je dis ça à propos du travail alors que j’ai l’impression de chaque jour jeter les dés de la discorde parmi les gens que j’aime. Un jeu de piste de mes propres cauchemars sur le chemin duquel personne ne s’aventure puisque je n’ai invité personne à participer. Mais le voilà dessiné dans la périphérie de votre regard sur moi. Et je me dis que vous ne me voyez jamais. Alors que c’est moi qui n’ai rien montré.
Je me crée mon propre drama à partir de rien. Tout aura son importance quand on reverra la scène en flash-back, et qu’on connectera les points sur notre tableau en liège avec du fil rouge (mince la vie ne fonctionne pas comme ça). Tu le sens peut-être, que j’écris sans rien dire, mais pas pour ne rien dire. Je marche sur des œufs, et je ne veux rien briser. Je veux me recroqueviller au milieu d’eux avant d’être moi-même piétinée par la vie. Et je serai à vos pieds, vidée, épuisée, mais libérée.
J’ai peur de manipuler les gens à me faire avouer.
Come on and kill me, baby
Like a Friend – Pulp, 1998
While you smile like a friend
Oh, and I’ll come running
Just to do it again
En attendant je veux essayer d’écrire un peu plus régulièrement encore. Et plus concrètement histoire que tu saches un peu de quoi je parle quand même. Parce que à force j’ai l’impression d’être coincée à mes 19ans.