Ma peau est livide aujourd’hui. Les yeux plissés, secs, les joues en feu malgré les crèmes. J’aimerais m’arracher les cheveux pour mieux attaquer mon scalp jusqu’au sang.
Mon corps me démange d’être si imparfait.
Mais dans le pas régulier des voyageurs, les yeux baissés pour ne pas croiser de regards, la peau nous dérange moins. Après tout, je ne suis plus seule à me sentir merdique. Chaque seconde est trop pressée, passée à calculer le rythme à suivre dans les escalators, la place à ne pas prendre dans le wagon. Chaque frôlement est une vie en moins, mais on ne joue plus à marcher sur les passages piétons, les enjeux ne sont que trop réels.
Chaque frôlement est une crise de conscience, et jamais si loin de la crise de larmes. Je ne suis pas à ma place, quelle-serait-elle ? Un plan astral où je suis traversée sans être dans le chemin ?
Et puis je les vois. Je souris faiblement, comme si dans l’espoir d’un regard croisé à la volée je pouvais leur dire que je les aime, que j’ai été. J’ai été, peut-être. Je crois l’avoir été, je ne sais plus, si j’ai jamais été : passionnée.
Dans le RER les accessoires et cosplays s’écrasent sans perdre de leur candeur. Les petits groupes s’activent et s’épuisent à trouver le quai. En route pour Rutabaga, c’est Japan Expo.
J’appartiens au rythme des livides. Je n’ai jamais été des vôtres, mais à qui d’autre faire signe. Je tiens la rampe à droite, l’équilibre de tout mon univers.
C’était une belle matinée pour changer à Châtelet. Merci de m’avoir rappelée que je pouvais n’avoir d’accroche nulle part sans me noyer. Et quand je m’excuse d’exister, j’essaie de lever les yeux.