Les plaies invisibles

Qu’est-ce que ça veut dire, la mort de Jean-Marie Le Pen ?
Est-ce que c’est une phrase qui sonne vrai ? Qui sonne juste ?
Pourrait-elle apaiser une douleur, qui n’est pas mienne, mais me lance malgré tout ?
Lame empoisonnée.

 

J’étais déjà grande. Prétendument adulte, soudainement brisée comme le premier oisillon poussé hors du nid. Car j’ai vu le canif, en photo, sur internet. Une memorabilia malsaine. J’ai su ce qu’il avait fait. L’homme.
Enfin je ne le sais plus, pas en détail. Un récit autour de cette violence est venu couvrir la plaie. Lancinante parfois, que me veulent-ils…
Il ne s’agissait pas d’un souvenir, il n’en a jamais été un, plutôt d’une hallucination empathique, d’une tentative d’être là, pour soi comme autre. Pour quiconque je n’ose appeler… les miens, mais l’idée me traverse. De ce mythe, que je ne sais s’il est fabriqué, par moi ou présent aux origines, dont je préfère ne pas vérifier la nature, j’ai retenu que l’arme française du soldat blanc était gravée à son nom. Objet marqué qui à son tour porte son empreinte sur ses victimes.

Elle avait été conservée, chez une famille algérienne, victime de sa torture. On débattait la véracité du sujet, on minimisait les crimes ou l’on s’offusquait bien civilement. Un nuage de poussière m’étouffait, celui commun à l’information en réseau.

Je ne veux pas infecter la blessure de ces particules de haine.

Si souvent, les démonstrations de violence ne m’effraient pas mais, si elles me frappent, alors viennent-elles s’inscrire dans un continuum de la peur, s’infiltrer dans une veine faite à mon irréalité. Fissure ouverte par ce premier acier. Et je me dis que de l’intérieur d’autres coups étaient frappés, piochant dans l’obscurité pour comprendre même ce qu’ils cherchent. *son de cloche* Tout ne pouvait qu’aboutir à ce diapason, de leur violence et de mon questionnement, la vibration d’éveil du trauma.

On parle de la froideur du métal, contre la peau, mais contre le sang il s’échauffe. La photographie, elle, ne coupe jamais dans la chair. Elle pétrifie le sang démuni.
Je ne veux plus voir. Je n’en peux plus de voir.
Une fausse distance imposée, un relativisme à toute épreuve.
Manipulation indélébile de ma pensée.

Et moi, bien égoïstement, qui ne garde que l’image d’une image, l’écho du crime, je suis glacée. Je ne connais pas la sensation que tout m’évoque. Ma blessure n’est pas visible, existe-t-elle ? La mort égrène cependant les clichés. Et ceux-ci, d’une blessure hypothétique, empêcheront toute cicatrisation.

Titre
Les plaies invisibles
Date
6 octobre 2018
Version d'origine
Tumblr
Langue
Français
Collections
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