C’était un cahier d’élève, sans fioriture. J’aurais aimé des spirales, une couverture transparente et rigide. Que faire d’un cahier d’élève en plein été ?
Il y avait du sport, de la compétition internationale, du meeting sous haute pressin. Peut-être que j’aimais le sport à cette époque là, j’avais tout de même demandé à des profs d’EPS si on ne pouvait pas faire d’athlétisme à l’AS, malgré mes 1m50 en 6e. Une émulation sans précédent pour un enfant sans distraction. J’ai découpé des visages, des noms, des temps. Mon idole était Ladji Doucouré. Le seul carnet que j’aie tenu, avant d’écrire l’adolescence des années plus tard. Ladji Doucouré. Le seul nom dont je me souvienne après ces années. Car les haies formaient un périlleux équilibre, entre le ridicule et la prouesse, la douleur intense et le surpassement d’un simple 100m.
Compter les foulées, sans s’écraser, sauter, la détente qui pourrait survoler un monde, ne rien accrocher de la pointe du pied.
L’été suivant, ou plus tard encore, j’ai eu mal pour Ladji Doucouré, pour ses échecs. Mais j’étais ailleurs déjà. Lui était étudiant en architecture, dans mon souvenir que je sais erroné maintenant (une athlète dont le nom a sombré dans ma mémoire), et je ne comprenais plus qu’on puisse faire du sport lorsqu’on avait une vraie passion. Moi je faisais encore 1m50, je ne faisais plus de sport vraiment, je regardais les autres danser le rock, s’accrocher aux filets de volley. Avant la cigarette, c’est les sports qui réunissaient.
On a dû les jeter, ces feuilles consacrées à Ladji Doucouré. Quelques mois pleins d’effusions. Des feuilles pleines de colles, trop lourdes, qui craquent plus comme des feuilles d’automne. J’étais dans l’escalier, noir, j’aurais pu me réfugier dessous, à l’ombre, durant cet été passionné. Première leçon de comment oublier ses passions.
Aujourd’hui tous les jours sont comme ces étés. Et les feuilles moins lourdes à déchirer.
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