Transafe

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Disons que j’ai pas l’habitude, comme d’autres, d’avancer.

 

Je déroule. Ça s’enfile sans un croc et malgré tout comme une gamine je saute sur les craquelures ça s’enfile et comme toujours je ne lève pas les yeux car j’ai peur d’avancer.

La première fois que j’ai placé un pied devant l’autre, pleine de prestance, sur un fil invisible, c’était face à un miroir.

 

Que je me voyais déjà franchir.

Et de manche en aiguille la traversée devient morbide je vois le verre se briser contre mon poing et le contact des reflets malversés, de ces poches d’altérité qui ne peuvent pas être moi, leurs arêtes effilées couler avec ma chair.

 

Depuis ça ne marche plus très droit, sans être sinistre.

                                                           On s’équilibre en pas de deux.

 

tous les jours face au miroir à reculons le fil du rasoir

                                                                                       avec raison

 

Je scrute la barbe naissante, la morsure de la glace qui ne m’a jamais quittée. Cet autre que je ne reconnais pas.

 

Et de lame en bitume je rase aussi les murs, j’esquive et me prive. Un ballet pour moi seule, sans chanson ni parapluie. Une danse de caniveau.

 

Je n’avance pas, car en face un reflet m’a pris corps. Quel numéro d’équilibriste se mue en roue de coups, un piège dont je suis la paillasse maîtresse ? Ulysse a-t-il voyagé, que j’échoue de rive en rade. Nulle part n’est sûr. Mais le fond du trou est un lieu peu commun. Tout y est aplati, le réconfort de ne pas avoir d’ombre.

 

Un but. Oui. À ne pas prendre pour une destination.

Où je vais n’est pas où j’avance.

 

Je zigzague dans le métro, je n’avance pas je vais je ne vis pas je suis en sursis tu ne me vois pas pourtant ton regard me pour

                                              chasse

 

J’occupe l’absence.

L’absence de mon corps.

 

Je me faux-file, je m’ex-filtre.

D’une main je caresse les murs, un labyrinthe dont je suis la bête. Des mots blessés à la surface, glissent avec moi sur les parois. Demiurges aux sobres paroles, dont les résonances parfois confondent nos dédales. Des lucioles dans ce monde.

Ici des mouches qui viennent boire à la muqueuse de mes yeux, toujours baissés. Tauromachique du freak.

 

D’une main, je déroule, je défile, l’ariane, ma seule échappée.

 

Oriane, s’appelle-t-elle, elle qui me cataractérise, elle que je catastérise.

Sûre qui je peux compter. Au creux de l’embrasse un infini d’expansion.

Je me recroqueville, entre nos quatre murs, entre ses bras, face à mon écran, je suis transportée.

Il n’y a pas d’absence plus accueillante.

Titre
Transafe
Description
Texte publié dans le zine Écart de Diaph8
Date
18 juillet 2018
Langue
Français
Editeur
Diaph8
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Écart By Diaph 8
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